par Patrick De Luca | 15 Janvier 2021


Mars a déjà reçu des visites de robots venus de la Terre. Ils furent d’abord géologue, géophysicien, météorologue puis chimiste. Celui qui est en route sera un peu biologiste et paléontologue.

Le rover américain Perseverance (a) devrait se poser le 18 février 2021 vers 18 h 40, après « sept minutes de terreur » pour les techniciens, dans le cratère Jezero (b) à l’emplacement d’un ancien lac dans lequel une rivière a formé un delta il y a 3,5 milliards d’années.

(a) Perseverance sur Mars, NASA/JPL-Caltech
(b) Delta dans le cratère Jezero, USGS

Ses prédécesseurs (en particulier Curiosity qui explore actuellement le cratère Gale) nous ont appris, entre autres choses, que l’eau liquide existait à la surface de la planète dans la première partie de son histoire. Cette eau est toujours présente sous forme de glace et de vapeur, la pression atmosphérique étant trop faible pour lui permettre d’exister à l’état liquide. Cette eau liquide serait présente dans des lacs souterrains, comme l’a suggéré l’instrument MARSIS équipant la sonde européenne Mars Express.

Après avoir cherché l’eau sur Mars les spécialistes cherchent maintenant des traces de vie ancienne, autrement dit des fossiles. Toutefois, on ne s’attend pas à trouver les restes d’animaux tels que des dinosaures, des ammonites, voire… des martiens. Ce serait plus certainement des microbes. Sans préjuger des résultats de Perseverance, on peut dire que s’ils sont positifs, c’est à dire si l’on obtient la preuve de l’existence passée de la vie sur Mars, la nouvelle devrait occulter toute autre information. Pourquoi ? tout simplement parce-que l’humanité aura enfin la réponse à une question qu’elle se pose depuis très longtemps : « sommes-nous seuls dans l’Univers ? ». Sans être pessimiste on peut cependant se demander si les données envoyées par le rover ne seront pas ambigües. Détecter de la matière organique ce n’est pas forcément détecter la vie.

Ellipse d’atterrissage de Perseverance

Les plus anciens organismes trouvés sur Terre, les stromatolithes fossiles (3,48 à 3,35 milliards d’années ; voir figures ci-dessous), sont dus à des voiles bactériens qui vivaient dans une eau peu profonde. Les bactéries se développaient à la surface d’une roche qu’elles recouvraient, formant un voile. Après la mort d’une colonie, qui laissait une fine couche de sédiments fixés par le mucus, un nouveau voile se formait par-dessus et ainsi de suite (c). L’oxygène étant absent dans l’atmosphère on suppose que ces bactéries utilisaient une autre source d’énergie comme celle provenant du soufre.

Stromatolithes fossilisés, retrouvés en bordure de la rivière des Outaouais, Gatineau, Québec, Canada
Forme de stromatolithe (actuel), sur le lac Thetis en Australie
(c) Stromatolites de la Formation de Strelley Pool, 3,35-3,46 milliards d’années, Craton de Pilbara, Australie

Même si Perseverance envoie des images ressemblantes ou non à ces structures, accompagnées d’analyses révélant la présence de matière organique associée à ces structures, le consensus sur l’existence de vie sur Mars ne se fera pas immédiatement. L’idéal serait de trouver la preuve de déplacements d’une forme de vie sous la forme de tubes forés par des organismes à la recherche de nourriture et traversant les couches. Mais ce n’est pas le comportement des êtres unicellulaires comme les bactéries, c’est le fait des êtres pluricellulaires, comme les vers. Il est malheureusement très peu probable que l’éventuelle évolution martienne ait eu le temps d’atteindre ce stade avant le changement climatique qu’a subi la planète.

Les yeux du rover sont sur Terre d’où ses ordres lui sont envoyés. A chacun de ses arrêts, ou presque, il prend les images qu’une équipe de spécialistes lui demande et il procède à des analyses de la surface des roches qui est érodée par le vent de poussière et altéré par le
rayonnement solaire. Parfois il fait un forage de quelques centimètres mais il est incapable de casser les roches pour « voir à l’intérieur », ce qui est indispensable si l’on recherche des
traces d’une activité microbienne. On touche donc là aux limites des robots actuels. Un homme muni au minimum d’un marteau et d’une loupe ferait en une journée le travail demandé à un robot pendant un an ou deux, car il possède une capacité de

franchissement bien supérieure, il observe en permanence dans toutes les directions et sa perception en trois
dimensions est instantanée ; il a une vue d’ensemble mais peut se concentrer sur un détail minuscule. Mais surtout, l’homme intègre très rapidement ses observations, formule des hypothèses et peut souvent les vérifier immédiatement. Bien sûr l’équipe qui pilote le rover possède ces qualités, mais elle n’est pas réellement sur le terrain et elle est tributaire de la
lenteur de la machine. Comme aucune expédition humaine n’est pour l’instant prévue à court terme, prenons notre mal en patience et contentons-nous des robots.

Perseverance est équipé d’une foreuse qui récupérera des carottes de la taille d’une craie pour tableau noir. Ces carottes seront stockées dans une sorte de carrousel qui sera, une fois plein, déposé sur le sol afin d’être récupéré par une sonde destinée à revenir sur Terre (programme Mars Sample Return de la NASA et de l’ESA), ou directement placées dans celle-ci. Ces échantillons seront étudiés en détail sur Terre avec des instruments performants afin de vérifier l’existence de marqueurs chimiques de la vie.

Le rover est doté d’un système de navigation autonome qui lui permettra de parcourir en un sol (sol = jour martien = 24 h 37 min) plus de chemin que le rover Curiosity.

Il est équipé de nombreux instruments dont :

  • SHERLOC (Scanning Habitable Environments with Raman and Luminescence for Organics and Chemicals), qui détecte la matière organique et les minéraux ;
  • PIXL (Planetary Instrument for X-ray Lithochemistry), qui cartographie la composition chimique des roches et sédiments ;
  • la caméra Mastcam-Z peut zoomer sur la texture des roches depuis une distance équivalente à un terrain de foot ;
  • SuperCam procède à des tirs laser sur les roches et le régolithe et analyse la composition de la vapeur émise ;
  • RIMFAX (Radar Imager for Mars' Subsurface Experiment) utilise des ondes radar pour sonder les structures géologiques souterraines ;
  • MOXIE (Mars Oxygen In-Situ Resource Utilization Experiment) qui produira de l’oxygène à partir du dioxyde de carbone de l’atmosphère martienne. Ceci démontrera pour les futurs explorateurs la possibilité de produire l’oxygène nécessaire à leur respiration et aux propergols ;
  • MEDLI2 (Mars Entry, Descent, and Landing Instrumentation 2) est la dernière génération du système d’atterrissage ;
  • MEDA (Mars Environmental Dynamics Analyzer) suite d’instruments qui fournit des informations concernant la météorologie, le climat, les radiations UV à la surface et la poussière ;
  • Ingenuity Mars Helicopter tentera de démontrer la possibilité de vol contrôlé sur Mars et prendra des photos aériennes ;
  • 19 caméras équipent le rover ainsi qu’un microphone ;

Une plaque en remerciement du personnel médical à été placée sur Perseverance. Espérons qu’il n’apportera pas la Covid sur Mars !

Souhaitons une bonne fin de voyage à Perseverance et surtout un atterrissage réussi. Formulons également des vœux de réussites au rover chinois qui l’accompagne, même si nous n’en savons que très peu sur sa mission.